« Les chatbots sont des outils utiles au management des ressources humaines pour 70% des professionnels RH européens » selon une étude réalisée par Foswaygroup.

Cette proportion élevée de « fans » ou de « visionnaires » parmi les professionnels RH m’a conduite à vous proposer ce billet : Un chatbot RH est-il une innovation utile ?

De nombreux articles ont traité des avantages et des risques d’un chatbot RH.

Je vous propose de nous intéresser davantage :

  • au système relationnel de l’entreprise
  • à la stratégie de déploiement d’un chatbot,

comme éléments déterminants de son utilité ou de son degré d’utilité en matière de gestion des relations humaines.

Qu’est-ce qu’un Chatbot en synthèse ?

Un Chatbot est un robot (bot) conversationnel (chat) qui utilise le langage courant par l’intermédiaire de l’écrit le plus souvent, ou la voix.

Un chatbot vise à améliorer l’expérience utilisateur dans le contexte de résolution d’un problème. Il répond aux demandes d’un utilisateur, à partir de questions pré-identifiées et de réponses pré-définies.

Et quand le chatbot est bien entrainé, il peut aussi guider, orienter, suggérer à l’utilisateur d’autres contenus, d’autres services…

S’il intègre les données individuelles provenant du SIRH ou plus largement du SI de l’entreprise, un chatbot pourra aussi apporter une réponse personnalisée. Dans ce cas, il doit être bien entraîné et dopé en algorithmes et en données.

Les chatbots sont plus ou moins élaborés : selon leurs finalités, leur conception ; selon la pertinence, structuration et richesse de la base de connaissances ; selon les technologies d’analyse du langage et de la sémantique ; selon les technologies de Machine Learning et la qualité des algorithmes qui y sont embarqués.

Les chatbots peuvent être positionnés sur un site Web, une plateforme de services, une messagerie, etc.

Un chatbot RH peut en théorie intégrer une multitude de contenus, donc de services dans tous les domaines RH : recrutement, intégration, gestion administrative et juridique, développement des ressources humaines, management, communication, etc.

Pourquoi cet intérêt pour les chatbots RH ?

Quand on considère le travail monumental à réaliser pour identifier, formaliser, structurer, maintenir les connaissances d’un chatbot ou l’expertise à détenir (ou à trouver) pour choisir un chatbot performant et évolutif, on a tendance à se dire que :

Les professionnels RH de l’enquête Fosway Group exprimeraient plus un idéal qu’un objectif ?

Les entreprises questionnées seraient déjà très matures en matière de SIRH, de structuration et de productivité de la fonction RH ?

Les RH attendent de la part des prestataires, en complément de l’outil, des contenus, des connaissances, des structures de connaissances … pour avoir un effet de levier qualitatif et quantitatif sur leurs pratiques RH ?

Ils y verraient un levier d’apprentissage et d’expérimentation de technologies liées à l’IA, sur un périmètre maitrisé ? cf. digitalisation de l’entreprise

Les RH anticiperaient que les interfaces conversationnelles, et notamment la voix, ainsi que l’accumulation de données seraient incontournables dans les prochaines années (expérience collaborateur, productivité). Mieux vaut s’y mettre maintenant !

Et si les chatbots étaient tout simplement utiles à la gestion des relations des Rh et des managers avec les collaborateurs ou les candidats ?

Des technologies pour améliorer les relations humaines ?  

Une utilité à apprécier plus précisément ? 

Un Chatbot RH est-il utile parce qu’il apporte un avantage, un plus, un mieux ?

Ou bien est-il utile parce qu’il est nécessaire, incontournable ? (à qui ? à quoi ?).

L’avantage ou l’intensité de l’avantage, la nécessité ou le degré de nécessité d’un chatbot RH peuvent s’apprécier en fonction de nombreux éléments :

  • des objectifs globaux de l’entreprise et de sa stratégie digitale,
  • des profils des salariés et des candidats,
  • du rôle du pôle RH et de sa structuration,
  • du système relationnel dans l’entreprise, ou des modèles relationnels,
  • des priorités de la politique RH, mieux encore du Projet Humain de l’entreprise,
  • de l’environnement concurrentiel de l’entreprise, global et RH.

Sans surprise, un chatbot RH peut être plus ou moins utile. Il peut être un avantage ou apparaître comme une nécessité selon l’entreprise.

Encore une promesse du digital … 

Cependant, en se référant au modèle promu par le numérique, il est possible de retirer des éléments communs d’appréciation de l’utilité ou pas d’un chatbot RH.

En effet, le modèle numérique promet à l’entreprise un différentiel de performance économique et sociale, si elle reconsidère sa gestion de la relation avec ses clients, ses candidats et ses collaborateurs à travers de nouvelles interfaces numériques. Le chatbot en est une. Si l’expérience de l’utilisateur est satisfaisante, l’utilisateur s’engage et se transforme en producteur de valeurs pour l’entreprise sous différents formats (empowerment).

Dans cette logique, un chatbot RH constitue-t-il un plus ou un incontournable pour améliorer la gestion de la relation avec les candidats ou les collaborateurs dans votre entreprise ? Et ses attendus : l’engagement, la performance des candidats ou salariés, la contribution des RH et des managers à la performance de l’entreprise ?`

Le paradoxe des technologies et usages numériques, et leur grande promesse, est résumé dans cette question : Comment des technologies parviennent-elles à améliorer les relations humaines ?

Le numérique répond essentiellement à cette interrogation par :

  • l’accès (sous-entendant ressources, autonomie, simplicité, disponibilité, rapidité, réactivité, plaisir…),
  • l’interactivité, le conversationnel, le collaboratif,
  • la personnalisation,
  • l’automatisation des routines, des récurrences…
  • la démultiplication,
  • etc.

En résumé :

– les technologies numériques connecteraient plus, en virtualisant en partie de la gestion des relations.

– Les technologies numériques connecteraient mieux, en laissant les activités à plus forte valeur à l’interaction humaine directe et en faisant contribuer les utilisateurs à l’amélioration du service (données).

Les promesses d’un chatbot suivent la même logique.

L’adoption massive des outils numériques conduit à considérer que les consommateurs et les citoyens y ont trouvé leur compte, en termes de finalités et de modalités, que l’on regroupe dans la notion d’expérience utilisateur. Et qu’il en serait de même, lorsqu’ils sont en position de candidats ou de salariés.

A une nuance près, qui est loin d’être neutre : dans l’entreprise, les finalités sont définies, cadrées, même si elles relèvent d’une logique de services.

D’où la nécessité, si vous souhaitez tirer parti du modèle relationnel du numérique en mettant en place un chatbot RH, de repenser la gestion de vos relations humaines à différents niveaux et d’élaborer une stratégie de mise en oeuvre en fonction des besoins et des objectifs.

Chatbot RH et système relationnel

La mise en place d’un chatbot RH, quelque soit le périmètre choisi, nécessite de penser ou de repenser :

  • la relation homme-machine,
  • la relation humaine en logique d’escalade du chatbot, lorsque ce dernier ne peut traiter la demande (managers, pôle RH),
  • la relation humaine directe (managers, pôle RH).

Ces choix doivent tenir compte du système relationnel de l’entreprise.

Le système relationnel d’une entreprise est un ensemble dynamique qui conditionne la performance et recouvre :

  • les processus relationnels formels et informels, interpersonnels et collectifs qui permettent de travailler, collaborer, coopérer, se coordonner, s’informer, informer, communiquer en interne et en externe etc.
  • les acteurs qui y prennent part,
  • les règles et procédures formelles et informelles qui les régissent,
  • les outils qui supportent, structurent et animent ces activités relationnelles,
  • la culture d’entreprise et le climat social qui les teintent.

La connaissance et la compréhension de ce système relationnel conditionnent l’utilité projetée d’un chatbot RH, au sens d’un avantage ou d’un incontournable.

C’est aussi parce qu’il porte sur les sujets RH donc pour partie managériaux qu’un chatbot peut faire évoluer très directement les relations entre les collaborateurs, les managers et le pôle RH.

Par ailleurs, la perception par les managers de son utilité peut favoriser une diffusion à d’autres domaines de l’entreprise.

Et l’inverse est également possible. Christophe Bouvard de Wikit nous présentait un chatbot en matière de support IT aux collaborateurs, et les impacts sur les comportements, les relations, les services, le management…

Ce qui me conduit à évoquer un autre élément qui influence l’utilité ou le degré d’utilité d’un chatbot RH : la stratégie de mise en place.

Chatbot RH et stratégie de mise en oeuvre

Deux stratégies de mise en œuvre d’un chatbot RH peuvent être envisagées, quel que soit le périmètre choisi :

  • une stratégie de rupture,
  • une stratégie de transition.

Selon la stratégie que vous choisissez, vous définissez vous-même l’utilité que vous souhaitez donner à votre chatbot RH : un plus laissé à l’appréciation des utilisateurs ou un incontournable.

Dans les deux cas, la réalisation d’un pilote associant un groupe de collaborateurs représentatifs est indispensable ainsi qu’une démarche d’amélioration continue.

La stratégie de rupture

Elle consiste, après le pilote, à substituer le nouveau dispositif à une modalité existante, en supprimant les anciennes modalités.

Le choix d’une stratégie de rupture demande :

  • des besoins utilisateurs bien identifiés,
  • une conduite du projet et des changements au top de sa forme ! (communication, formation…)
  • une excellente maitrise du projet sur le plan technique, ergonomique et fonctionnel
  • un prestataire solide et disponible pour améliorer en continue le dispositif et satisfaire les utilisateurs,
  • un service RH déterminé, compétent et leader du projet.

Cette option peut être envisagée dans une PME comme dans une grande entreprise.

La PME dispose généralement de services RH limités et peu formalisés. Comme le souligne Yann Bustos, fondateur et dirigeant d’Hyperbolik qui propose un chatbot RH centré sur le développement RH : « pour les PME, qui n’ont pas formalisé leurs informations et procédures RH, la mise en oeuvre d’un chatbot leur permet d’accéder à une base de démarches, de contenus à personnaliser. Exemple, l’entretien professionnel, la gestion des formations, l’information sur le prélèvement à la source, etc. ». En d’autres termes, une opportunité pour ces petites et moyennes entreprises d’ « accélérer » tant sur la plan des pratiques RH et managériales que sur le plan de leur digitalisation.

De leur côté, les grandes entreprises ont tendance à empiler les couches, chaque silo proposant son service, ses informations, ses règles, son outil… Faire table rase peut être nécessaire pour renforcer la cohérence des pratiques et des services. Le nombre élevé d’utilisateurs dans ce type d’entreprise est un facteur d’amélioration et de performance de l’outil et de ses usages.

La mise en place d’un Chatbot RH dans le cadre d’une stratégie de rupture peut donc le rendre incontournable dans la mesure où les autres canaux sont supprimés.

La stratégie de transition

Le chatbot RH est intégré en parallèle d’un dispositif existant, ce dernier pouvant être plus ou moins performant, plus ou moins adopté. On laisse dans ce cas le choix aux utilisateurs, tout en stimulant l’adoption du nouveau canal. Les usages, la base de connaissances et l’expérience utilisateur sont améliorés progressivement, si le chatbot est utilisé, car il a besoin d’exercices 😉

Les conditions d’adoption sont identiques à la stratégie de rupture pour en favoriser réellement l’usage.

La stratégie de transition positionne de fait le chatbot RH seulement comme un plus, en attendant une bascule éventuelle.

 

Le chatbot est souvent présenté aux professionnels RH comme une innovation utile en raison du gain de temps pour le pôle RH et les managers.  Vient ensuite la promesse de l’amélioration de la qualité de services aux candidats ou aux collaborateurs. Je laisse de côté l’effet « image » de l’entreprise (pour faire hype) qui me paraît totalement disproportionné au regard de l’investissement à réaliser.

– Le gain de temps pour le pôle RH et les managers ? Il ne peut être envisagé qu’à moyen terme, une fois passées sans encombre les phases fortement consommatrices de temps (et de compétences) que sont la conception de la base de connaissances, le déploiement et le rodage de la maintenance du chatbot.

– L’amélioration de la qualité des services ? Elle reste surtout à apprécier au regard du contenu des services (politique RH) et du système relationnel de l’entreprise. Un chatbot RH peut dans une certaine mesure avoir un effet de levier ou d’accélération sur ces deux points, selon les besoins d’optimisation des relations et des contenus, selon la stratégie choisie par l’équipe RH et sa capacité à aller au bout du projet.