Souhaite-t-on stimuler l’engagement des managers intermédiaires autant que des collaborateurs ? On peut légitimement se poser la question en constatant que l’expérience Manager est la grande oubliée de la politique d’expérience Collaborateur.

L’engagement du Manager, une évidence !

Le digital avec ses logiques d’interface et de réseau a fait de « l’expérience » le nouveau levier du management de la performance des entreprises (et aussi de la marque commercial et employeur… ).

S’il y a derrière le concept d’expérience, sans aucun doute, une intention sociale et humaniste (le bien-être), il y a aussi de fortes attentes économiques.

L’expérience peut être rapidement définie comme un vécu construit (la cible), induit (les stimuli) et valorisant (la reconnaissance).

L’expérience stimule les émotions et les sentiments pour influencer le comportement. Une politique d’expérience Collaborateur vise donc à stimuler l’envie de travailler, de bien travailler, de contribuer, d’innover, de relayer auprès de son réseau, de rester… en résumé à stimuler l’engagement des collaborateurs : ce différentiel de motivation et de contribution.

J’ai identifié 3 explications possibles au fait que l’expérience Manager soit peu distinguée :

  • La ligne managériale disparait de l’organisation ?
  • Le manager est inclus dans l’expérience collaborateur ?
  • Le manager n’a pas besoin d’être stimulé pour être engagé, car il est responsable.

Le vécu du manager : ni collaborateur, ni dirigeant

Le manager se vit souvent dans l’entreprise comme un « ni-ni » : ni collaborateur, ni dirigeant. Trop responsable pour être managé, pas assez responsable pour décider.

Taxés d’être un frein à la satisfaction, à l’engagement et à la créativité des collaborateurs ainsi qu’aux changements, les managers sont :

  • rayés de l’organisation dans l’entreprise libérée
  • ou sommés de s’adapter sous peine d’être aplatis et remplacés par des digital natives…

Pourquoi les managers devraient-ils se passer d’une expérience engageante au travail ?

Comme les autres collaborateurs, les managers ont besoin d’un vécu soigné au regard de :

  • du recrutement et de l’intégration
  • du poste
  • des relations de travail et modes de collaboration, de l’ambiance de travail, des valeurs
  • de l’environnement et conditions de travail
  • du parcours professionnel
  • du projet d’entreprise partagé qui donne du sens au travail, favorise la performance et les initiatives…

Qu’il soit appelé demain lead, facilitateur ou manager, les directions générales et RH doivent se pencher précisément sur l’expérience Manager car :

  • le Manager contribue directement à concrétiser l’expérience des collaborateurs,
  • et l’efficacité managériale dépasse les ordres, les injonctions et la motivation statutaire.

Manager, un métier d’expérience et de culture

Le manager intermédiaire se développe essentiellement par l’expérience technique et relationnelle acquise sur le terrain cf. activité et équipe. Quelques jours de formation ou de mentorat d’un dirigeant complètent le dispositif , selon les entreprises.

Pour réussir dans l’entreprise, le manager doit aussi intégrer le système de management de l’entreprise. Le cadre de l’action managériale est très peu formalisé et relayé dans les PME, peu limpide dans la complexité d’un grand groupe. On comprend pourquoi le manager n’est jamais au sommet de son art. Cette imperfection structurelle fait de lui une cible facile. Mais le digital rebat les cartes.

Pour adapter leur organisation à l’économie numérique, les directions générales et RH doivent aussi revoir ce système managérial, informel ou ordonné, quel que soit le sort réservé aux managers : supprimés, aplatis, remplacés, repositionnés Partant de l’utilisateur, les directions générales et RH devront co-construire avec les collaborateurs et les managers le dispositif managérial le plus adapté à l’entreprise et à ses clients. Elles auront besoin de managers engagés pour conduire cette mutation économique, organisationnelle, sociale.

Et pour engager les managers, les anciens comme les nouveaux, et retenir les meilleurs, les entreprises devront aussi réunir les meilleures conditions de travail et d’épanouissement, donc travailler sur une nouvelle expérience Manager.

Quelle expérience Manager ?

L’expérience Manager commence dès les premières initiatives de transformation organisationnelle de l’entreprise, et notamment par la participation du Manager à l’ébauche de l’expérience Collaborateur et à la refonte du système de management. Le vécu et le ressenti des managers à cette occasion influenceront directement leur comportement et leur impact sur la suite.

Les directions donnent le ton sur leur volonté (ou pas) de mettre les managers dans les meilleures conditions d’apprentissage et d’accompagnement à la nouvelle donne digitale, et sur la nature de leurs relations. D’autant plus que dans le contexte de transformation, les deux lignes managériales vont devoir évoluer ensemble !

L’expérience Manager à modeler est propre à chaque entreprise en fonction de sa stratégie de développement, sa culture, son organisation, sa maturité managériale et RH. A titre d’exemple, une attention particulière peut être portée aux éléments suivants :

  • en matière d’emploi :
    • intégrer plus de projets dans sa feuille de route et d’objectifs qualitatifs, pour sortir d’une gestion centrée sur le quantitatif et le contrôle et pour stimuler les initiatives de tous/ revoir en corollaire les rémunérations variables et l’évaluation de la performance.
    • automatiser au maximum la production des indicateurs, le reporting pour libérer du temps et de l’initiative…
  • en matière de collaboration :
    • définir ensemble qu’est-ce qu’un manager dans votre entreprise, les quelques bonnes pratiques associées,
    • impliquer très tôt les managers dans les réflexions stratégiques et les plans d’actions et d’organisation,
    • à l’occasion des projets, varier les rôles entre collaborateurs et managers cf. direction de projet, acteur du projet, etc.
    • mettre en place des temps courts d’interactions et de feedbacks des managers avec les dirigeants et avec les collaborateurs,
    • organiser régulièrement des petits hackatons animés par des managers et des collaborateurs, pour questionner et améliorer les processus de travail, les outils, les collaborations …
  • en matière de formation :
    • définir le parcours de développement du manager, qui articule mieux la théorie et la pratique managériale : un continuum plutôt que des actions éparses,
    • le former à de nouveaux modes de collaboration à travers des projets concrets, conduits avec les dirigeants ou les collaborateurs,
    • pratiquer le mentorat inversé par des collaborateurs innovants,
    • si vos RH n’ont pas la compétence, former le manager aux pratiques de coaching individuel (compétence utile et contribution à son employabilité…)
    • faire des « vis ma vie » de manager avec les futurs managers pour mieux valider leur envie, leur choix, leurs aptitudes… La transition digitale repose sur les managers mais il n’y en a plus !
    • créer une école interne des managers, ouverte aux autres collaborateurs et à d’autres entreprises,
  • en matière d’environnement de travail :
    • favoriser sa mobilité dans l’espace de travail : ordinateur et téléphone portables plutôt qu’un équipement et un bureau fixe,
    • en cas d’openspace, bien positionner des salles pour les échanges individuels, ni cachées, ni à la vue de tous…
    • intégrer le manager dans le dispositif de télétravail (il ne s’y projette pas spontanément cf. manager de proximité)

De grandes actions comme des petites peuvent être conduites pour améliorer le travail et le vécu des Managers.

Le manager, dit intermédiaire ou de proximité, reste utile aux collaborateurs et au bon fonctionnement de l’entreprise, quelle que soit sa taille.

Et d’autant plus utile, que les adaptations au numérique nécessitent d’accompagner des facettes du travail vécues par les salariés comme contradictoires : plus de travail individuel sur écran et plus de travail en réseau, plus d’automatisation et plus de créativité, plus de données et plus de relations, etc. En repensant le travail et les relations au travail, la notion d’expérience vise à trouver un nouvel équilibre.

Le Manager est un des rouages de ce nouvel équilibre à construire. Le vécu du travail et au travail du Manager me semble indispensable pour donner à tous la capacité de travailler plus intelligemment ensemble, sans oublier les clients.

 

Lire aussi au sujet de l’expérience Collaborateur l’article sur le premier baromètre national publié par Parlons RH