L’expérience collaborateur est au coeur de la transformation numérique des entreprises avec pour effet de faire du collaborateur une sorte d’enfant-roi, objet de toutes les attentions de son employeur.

L’expérience collaborateur a les mêmes limites que celles de l’enfant-roi,  et d’autres aussi que je vous propose d’explorer.

Du client roi au collaborateur roi

La satisfaction, la rétention et la recommandation sont les trois finalités de l’expérience client, et de son nouveau corollaire RH : l’expérience collaborateur.

Comme les parents de l’enfant-roi, les directions d’entreprise sont appelées à porter plus d’attention à leurs salariés, faciliter leur travail, réunir les conditions du plaisir dans le travail et au travail, les satisfaire et les épanouir … afin qu’il soit dans de bonnes dispositions pour délivrer une expérience client optimale.

Fait du hasard ou conséquence de l’éducation « enfant-roi », cette attention rejoint aussi les attentes au travail des plus jeunes collaborateurs (moins jeunes aussi j’en suis convaincue…). Le besoin d’offrir une expérience collaborateur satisfaisante et même unique rejoint dès lors la bataille pour recruter les meilleurs talents.

Comme pour cet enfant qu’on n’espérait plus, le vécu et l’épanouissement des talents devient un objectif prioritaire pour les entreprises.

Le collaborateur managé comme un enfant-roi 

Les parents comme les entreprises trouvent des bénéfices à une éducation de type « enfant-roi » ou à un management de type « collaborateur-roi » :

  • être aimés : : à l’heure de la marque employeur où il faut plaire, et de la rétention des talents où il faut être attractif, c’est précieux.
  • éviter les confits et les caprices : bouder les clients ou se défouler sur le client parce qu’il est contrarié par son manager, c’est fâcheux…
  • compenser les inconvénients et l’absence : le travail isolé sur écran ou encore le télétravail limitent les relations humaines, alors autant que ça se passe bien quand on se voit… voire que ce soit totalement fun, l’éclate, le bonheur !

Cependant une éducation d’enfant-roi a des conséquences sur sa personnalité et son comportement. Il a tendance à être un adulte :

  • autoritaire
  • continuellement insatisfait,
  • à la recherche du plaisir immédiat,
  • individualiste,
  • peu résilient à la frustration et à l’échec,
  • etc.

En bref, l’enfant-roi peut être un enfant et un adulte despote, tyran. Son comportement cache au fond une souffrance car il s’est construit en l’absence de repères sociaux, de limites qui l’aideraient à mieux satisfaire ses besoins, à mieux s’épanouir…

Le collaborateur-roi risque-t-il de suivre le même chemin que l’enfant-roi ?

L’Expérience Collaborateur, autant de réussite que le management des talents ? 

Le collaborateur-roi : ça ne vous rappelle rien ? Le salarié, élu « talent » potentiel ou confirmé, qui est choyé, accompagné, valorisé…

Comme l’enfant-roi qui n’est plus ni enfant, ni roi dans le monde des adultes, le salarié qui n’est plus « talent » au gré de sa propre performance ou des besoins/possibilités de l’organisation rencontrent des difficultés à rebondir professionnellement. Son statut de roi déchu alimente ses déceptions, ses frustrations, ses comportements sociaux…

Comme les parents, les entreprises sont parfois déçues des effets de leur politique Talents au regard des résultats ou du turnover. Les effets sont les mêmes, car le vécu repose sur l’individualisation et le pouvoir donné.

Or les directions d’entreprise comme les familles ont un enjeu de socialisation et de performance.

L’expérience collaborateur initiée par le numérique repose heureusement sur d’autres valeurs : la communauté, le partage, l’exigence d’auto-apprentissage, l’engagement dans le projet d’entreprise au-delà de la motivation pour l’emploi, etc.

Ces valeurs peuvent-elles contribuer à ce que l’expérience du collaborateur-roi ne produise pas les mêmes effets que l’éducation de l’enfant-roi ?

Que donne le collaborateur en échange d’une expérience ?

L’expérience collaborateur est souvent présentée comme une longue to-do liste pour l’entreprise. Comme pour l’enfant-roi, les obligations ne sont-elles que pour les parents ?

Qu’est-ce que le collaborateur est prêt à donner en échange d’une expérience ?

Les salariés comme les DRH ne peuvent que se réjouir de l’attention « royale » portée à l’humain par le digital.

Après l’ère des ressources humaines gérées comme une variable financière, et des salariés renvoyés à leur responsabilité individuelle d’employabilité face à un marché du travail complexe… le collaborateur désormais roi pourrait bien considérer l’expérience promise comme  : 

  • un dû parce que le collaborateur tient entre ces mains la plus grande valeur de l’entreprise, les clients ?
  • une compensation à un travail digitalisé qui se révèle codé, industrialisé, très taylorien ? Des métiers pas si fun dont je parle dans cet article Les métiers du Digital vous attirent ? Savez-vous pourquoi ?

Si on peut s’agacer de collaborateurs qui ont une attitude de consommateurs vis à vis de l’entreprise, la plupart ont cependant bien noté que la finalité de l’expérience collaborateur reste le résultat, la performance.

Pour réussir, les entreprises ont aussi besoin :

  • de la contribution des salariés à l’innovation
  • de l’engagement des salariés dans les objectifs globaux de l’entreprise, et auprès de ses communautés externes. Les portes et les fenêtres sont ouvertes et tout le monde participe aux processus de production.

C’est pourquoi l’expérience collaborateur est utile mais pas suffisante. La construction de l’expérience collaborateur doit inclure la participation au projet d’entreprise et au projet humain de l’entreprise pour renforcer le collectif.

L’expérience collaborateur, une nouvelle chance pour la GRH

L’expérience collaborateur, c’est le vécu très concret des salariés dans l’entreprise.

La nature très opérationnelle et observable de l’expérience collaborateur est une chance pour :

  • enfin concrétiser le projet humain de l’entreprise,
  • sortir du grand écart entre les discours et la réalité vécue par les collaborateurs,
  • crédibiliser la politique RH et le management dans les entreprises,
  • intégrer les collaborateurs dans cette construction vivante.

Par l’expérience collaborateur, les entreprises ont une opportunité de doper et de simplifier les pratiques managériales et RH. Une belle occasion pour conduire un projet collaboratif et pour partager avec les salariés les priorités et les réalisations.

Pour éviter de transformer le collaborateur en roi capricieux et individualiste.

Pour construire le socle d’un expérience collaborateurS

Et puis faire plaisir, c’est aussi se faire plaisir. Et l’expérience collaborateur apporte aux directions générales le R.O.I. tant attendu de l’investissement RH.

La prochaine limite du R.O.I. collaborateur

L’expérience collaborateur rencontrera prochainement un nouvel obstacle : le R.O.I. généré par la robotisation et l’intelligence artificielle. Les leviers de la création de valeur vont se déplacer une nouvelle fois.

Comment réagira le collaborateur qui espérait enfin être roi au pays de l’entreprise 2.0 ?

Les débats sont lancés pour redéfinir la place du collaborateur dans l’entreprise 4.0 et une nouvelle Expérience Collaborateur.

 

A lire également si le thème de l’expérience vous intéresse, les deux articles écrits pour le blog rmsnews :

Client, Candidat, Collaborateur … Expérience ou Retour d’Expérience ? – #rmsconf 2017

L’expérience Talent