Gestion de carrière : le digital plus impactant que la réforme de la formation professionnelle

La responsabilité individuelle des salariés en matière de gestion de carrière et d’employabilité a été initiée à la fin des années 90, avec les premiers textes européens sur la formation tout au long de la vie.

La loi du 5 mars 2014 réforme l’orientation et la formation professionnelle « à nouveau ». Impacte-t-elle concrètement la manière de gérer sa carrière à titre individuelle ou les pratiques de gestion des compétences et de formation des employeurs ? Le digital, absent de cette réforme, n’impacte-t-il pas davantage la gestion de carrière par les salariés et les employeurs ?

 

Une réforme tiraillée entre collectif et individuel, peu intégrée aux réalités d’emploi et au digital…

La loi réformant l’orientation et la formation professionnelle vise essentiellement à favoriser l’accès à l’orientation professionnelle et à la formation des publics les plus éloignés de l’emploi et de la formation, et à clarifier le financement par les acteurs nationaux et régionaux de ces deux axes considérés comme les principaux leviers de sécurisation des parcours professionnels

Le compte personnel de formation de 150 heures pour un accès à des formations bien définies et donc limitées, l’obligation d’un entretien professionnel tous les deux ans et tous les 6 ans au sein de l’entreprise dans des conditions de compétences non précisées, la levée d’une partie de l’obligation fiscale de formation des entreprises au bénéfice d’une négociation élargie avec le comité d’entreprise à relier à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (pour les entreprises de plus de 300 salariés)…

Tous ces éléments examinés de près ne nous semblent pas couvrir les réalités des salariés et des entreprises en matière de gestion de carrière et d’employabilité des salariés, et notamment de ceux qui déjà qualifiés doivent néanmoins veiller à s’adapter au marché du travail interne et externe, comme en matière de management des compétences, des trajectoires professionnelles et de l’employabilité par les employeurs.

Une loi tiraillée entre l’individuel et le collectif pour un texte de loi en demie mesure sur chaque dimension, qui va s’avérer complexe à mettre en oeuvre pour tous les acteurs : les salariés, les employeurs et les services RH, les représentants des salariés, les financeurs nationaux et régionaux, etc.

On peut aussi regretter que les négociations paritaires et la nouvelle loi n’aient pas davantage pris en compte les réalités de la gestion des carrières pour les individus et les managers, et les impacts du numérique et des pratiques sociales.

 

Une gestion de carrière individuelle avant tout facilitée par le numérique et les usages sociaux

La difficulté dans les entreprises à anticiper les évolutions en matière d’emploi et de compétences, les compétences disponibles dans l’entreprise (managers ou professionnels RH) pour orienter en vue d’une employabilité interne et d’une employabilité externe (objective) les salariés, comme le manque de connaissance des organismes externes d’orientation professionnelle des réalités des entreprises et de l’économie nous conduisent à conclure que c’est bien à chaque salarié de prendre sa carrière en mains.

Ce que nous avons toujours défini comme la compétence à s’orienter professionnellement et à rebondir.

Une compétence qui passe aujourd’hui par un certain nombre d’aptitudes, de bons réflexes, de points d’attention, et notamment l’information, le réseau professionnel, l’ouverture, la veille, l’apprentissage informel…

La bonne nouvelle en matière de gestion de carrières réside avant tout dans le numérique et les pratiques sociales !

Loin d’une formule toute faite, c’est une réalité que nous constatons et pratiquons.

Les personnes qui à titre individuel ou pour le compte de leur entreprise et de leur fonction ont embrassé le numérique et les usages sociaux peuvent aussi en témoigner.

Internet, les réseaux sociaux, le mobile… donnent accès à de vrais leviers pour la gestion de sa carrière et de son employabilité. Ou encore pour une meilleure compréhension par les managers et les entreprises de la gestion des compétences, de l’employabilité, des trajectoires, des talents, de la relation d’emploi et de la collaboration… et des ressources additionnelles disponibles et à faible coût d’acquisition pour les organisations.

L’apprentissage du digital notamment appliqué à la gestion de carrière comporte certes des exigences et un changement d’état d’esprit : développement des compétences relationnelles, démarche réseau, humilité de l’expérimentation, auto apprentissage, régularité des activités, transformation des ressources acquises en leviers professionnels actionnables…

Mais ces exigences du digital et cette évolution de culture personnelle pour gérer sa carrière et son employabilité sont aussi facilitées par la simplicité d’accès ainsi que par le collectif et le partage qui s’expriment concrètement, en dépit de stratégies business ou de stratégies individuelles qui sont aussi bien réelles.

Le digital en tant qu’espace externe et néanmoins directement relié aux entreprises dans sa dimension économique et sociale, ainsi que l’appropriation du digital par les employeurs et les salariés pour transformer le management, la collaboration et surtout la relation d’emploi nous semblent être des leviers puissants et accessibles à tous, individus et organisations, de dialogue social et d’adaptation aux nouvelles conditions d’emploi.

Plus puissants et accessibles que le flot continu de lois et de règlementations, toujours déconnectées de nouveaux leviers ou pour le moins toujours en retard… (les MOOCs et autres dispositifs digitaux d’orientation professionnelle et de formation professionnelle sont peu ou pas abordés dans la loi de mars 2014…). Des lois et des règlementations qui continuent par ailleurs à rigidifier nos modes de fonctionnement et de collaboration, dans un environnement économique et social qui nécessite créativité, adaptation rapide et coopération de fait.

Témoin ou bénéficiaire de cette contribution du digital à la gestion de votre carrière ? Merci de partager votre expérience en laissant un commentaire.