Employabilité métiers du conseil

 

Quelle employabilité, quelle perspective d’emploi et de carrière pour tous ces jeunes diplômés qui intègrent les sociétés de services ? Des agences de conseil en marketing et communication aux cabinets d’audit, en passant par les entreprises de services du numérique, ex-SSII …

L’idée de cet article trotte dans ma tête depuis un certain temps, nourrie par mon expérience de responsable d’une DSI, les accompagnements id-carrieres, les échanges avec les étudiants, les missions dans les entreprises, les évolutions du recrutement, de la gestion des ressources humaines…

J’ai partagé ma vision, plutôt pessimiste du sujet, je l’avoue d’entrée, avec Vincent Rostaing, qui dirige la société de conseil en recrutement IT et de conseil en management LeCairn4IT  

Le sujet est large, par quoi commencer ?

 

Des évidences…

 

L’audit, les services informatiques, des agences de communication, et plus globalement les services aux entreprises constituent un débouché d’emploi significatif pour les jeunes diplômés.

Positionnées sur les expertises, le conseil et/ou l’externalisation d’activités, de grandes sociétés internationales côtoient de plus petites structures locales et des indépendants.

La bataille fait rage entre les grands acteurs pour attirer les jeunes diplômés à bac +2 et plus. Le marketing RH bat son plein. Les plus petites structurent tentent de jouer sur d’autres atouts, souvent crées par les ex-seniors des plus grandes…

Pour le jeune diplômé, intégrer une société de services réputée est vu d’abord comme une opportunité facile d’embauche puisqu’il y a de la demande, également comme une opportunité de se professionnaliser à la sortie de la formation (le fameux 3ième cycle de formation), d’acquérir des compétences techniques solides et à jour à travers des projets et des clients diversifiés, d’être recruté plus tard par une entreprise cliente, d’avoir une bonne carte de visite pour rebondir ailleurs un jour, etc. « Une logique de consommation » selon Vincent Rostaing.

 

Des évidences plus douloureuses…

 

En tant qu’industrie de main d’œuvre, sur un marché mondial fortement concurrentiel, avec des grands comptes qui exercent une pression sur les prix, les modèles économiques des services reposent sur la productivité des ressources et leur turnover.

Pour recruter les jeunes diplômés qui ont le talent d’apprendre vite, ces entreprises proposent des salaires attractifs et des évolutions rapides, du moins en début de carrière, parfois des dispositifs de formation performants… Elles doivent ensuite les amortir en mettant une forte pression sur leur productivité tout en jonglant avec les aléas de la commercialisation, les charges et la nature de la production… Pour Vincent Rostaing « La baisse du TJM facturé (le taux journalier moyen) contribue à l’appauvrissement du parcours du salarié ».

Dans ces entreprises, la pyramide est large à la base et rapidement étroite. Tous les jeunes techniciens, ingénieurs ou consultants ne pourront pas devenir chef de projet, manager, directeur ou associé. La pression qui est exercée sur la production joue aussi comme un outil de sélection économique et culturelle. Les plus performants, qui sont souvent les plus aculturés, sont invités à rester.

Cette projection est moins vraie pour les profils techniques, les spécialistes, de type développeur dans une SSII ou dans une agence marketing-communication. Certaines de ces compétences techniques sont actuellement pénuriques. D’autre part, la motivation au travail de ces professionnels repose davantage sur le niveau d’expertise des projets et de l’équipe, sur les opportunités de formation et d’apprentissages, sur les conditions de travail et la rémunération…

L’employabilité interne et externe des consultants nous semble davantage problématique. En audit comme en informatique ou en marketing-communication, les entreprises clientes n’absorbent pas le volume de professionnels produits par ces entreprises de service.

Il n’y a qu’à voir les difficultés d’emploi des directeurs financiers ou contrôleur de gestion, plus de 200 candidatures à une offre d’emploi de DAF… Ou celles des chefs de projets informatiques qui souhaitent rejoindre une DSI sur la base des fonctionnalités des systèmes déployés ou de leurs connaissances sectorielles. Certains n’ont gérés sur 4 à 6 ans que des projets dans un même secteur (souvent la banque et l’assurance…) qu’ils ne souhaitent au final pas rejoindre… Certains ingénieurs ont parfois même abandonné leur spécialisation d’origine influencés par le chant des sirènes de l’informatique, pour une employabilité faible à la sortie et aucune possibilité de se repositionner dans leur spécialisation d’origine… Et aussi, la multitude de professionnels d’agences de communication et de marketing, y compris du digital, qui cherchent désespérément à être recrutés par un annonceur pour y trouver du sens et des conditions d’emploi plus équilibrées…

Intégration facile sur le marché du travail, tremplin pour une meilleure employabilité, un parcours dans les services peut s’avérer déceptif dès lors qu’on souhaite le quitter.

 

Comment éviter la douleur ?   

 

Du côté des candidats,

Il leur faudrait mieux appréhender ce qu’est le service, vérifier que le contenu et les conditions de travail leur correspondent.

« Are you ready » pour les métiers du service ? comme le dit la société CGI dans sa nouvelle campagne de Marque Employeur.

Etes-vous prêt pour le métier du service et du conseil ? Y trouvez-vous du sens, de la motivation, un profil d’activité qui vous correspond, un projet d’emploi et de carrière, etc., etc. ?  Des missions longues et courtes, une affectation à des projets selon les performances commerciales et non pas selon vos compétences et vos aspirations, une équipe qui se reconfigure à chaque mission, les intercontrats durant lesquels vous serez affecté selon les besoins, les déplacements, une potentielle hyper spécialisation fonctionnelle ou sectorielle au hasard des missions, rebondir ailleurs si vous n’êtes pas dans les élus de la pyramide ou dans le bataillon des experts stratégiques et/ou rares à retenir…

Comme le souligne Vincent Rostaing, « les jeunes diplômés se font certes chasser avant même la fin de leurs études par les grands acteurs des services, mais ils doivent davantage s’interroger sur le métier et sur l’entreprise, et ne pas systématiquement choisir l’entreprise la plus connue donc la plus grosse». Small can be beautifull. En effet en matière de services informatiques, le degré de responsabilité décroit de manière inversement proportionnelle à l’augmentation de la taille des projets, plus les projets sont gros, plus vous serez cantonnés dans une expertise pointue, plus l’entreprise sera petite plus vous élargirez votre champ de compétences ( à la condition sine qua none que ces entreprises pratiquent le mode projet et non du body shopping pur et simple ).

Vincent suggère aussi aux professionnels du conseil IT de s’intéresser à l’écosystème des startups en parallèle de leur emploi, pour leur apporter dans un premier temps compétences et conseils et pourquoi pas les rejoindre ensuite.

A l’heure des réseaux sociaux et de la Marque Employeur, il est plus facile pour les jeunes diplômés de s’informer sur les entreprises auprès de différentes sources, de comparer, d’interroger des salariés et des ex-salariés…

Une fois embauchés, les salariés de ces structures devraient aussi davantage piloter leur carrière, plutôt que de se laisser affecter sous couvert d’un parcours pensé et éprouvé auprès de centaines de consultants, et censé garantir des compétences et une employabilité externe… C’est vrai pour les chefs de projets comme pour les spécialistes techniques.

 

Du côté des employeurs, les sociétés de services, 

Les sociétés de services ont une forte responsabilité sociale en tant qu’acteurs majeurs de l’économie et de l’emploi.

La promesse Employeur des plus grandes tourne généralement autour de l’acquisition de compétences et du développement de l’employabilité externe, le bien-être au sein d’une communauté d’experts ou les engagements sociétaux de l’entreprise…

Elles vont devoir davantage aligner leurs communications et leurs actes, tout particulièrement en matière de gestion des compétences et des trajectoires internes et externes par rapport aux différents profils et filières, y compris le offshoring.

Cette transformation sociale est un challenge pour ces structures qui se caractérisent souvent par une organisation éclatée, des plans de production flexibles sous la pression des clients, des managers experts dominants, la reconnaissance par les pairs, l’interpersonnel, etc.

Tête de pont de ce que pourrait être demain l’entreprise de la connaissance et son modèle social ou balayées par d’autres formes d’organisations et de modèles économiques, les entreprises de services doivent recentrer leurs vocations sur l’expertise et repenser leurs engagements auprès des salariés, faire converger leur RSE et celle de leurs entreprises clientes, les éduquer aussi au regard des enjeux…

Comme le dit Vincent Rostaing avec le vocabulaire imagé qui le caractérise « on n’a pas sorti le cul des ronces ».

 

Merci Vincent pour les échanges. N’hésitez pas vous aussi à partager un avis, une expérience.