A la fin des années 90, l’arrivée d’internet et des jobboards n’a pas fondamentalement modifié le processus de sourcing des profils*. Pour des raisons essentiellement économiques, la majorité des recruteurs ont continué à privilégier la publication d’annonces en laissant aux personnes intéressées le soin de poser leur candidature.

La recherche directe de profils concernait et concerne essentiellement les cadres dirigeants, les profils à expertise rare (chasse de têtes) ou bien encore des secteurs en tension de compétences très qualifiées et /ou à fort turnover.

Les réseaux sociaux avec des usages professionnels croissants sont présentés comme de nouveaux outils de recrutement qui vont principalement modifier le sourcing de candidats pour les entreprises et les intermédiaires du recrutement : l’identification, l’approche directe, la préqualification de profils. Et peut-être même les intermédiaires du recrutement eux-mêmes. De nouveaux services d’intermédiation émergent.

Les recruteurs accèdent par ailleurs à de nouvelles informations sur les profils en complément du parcours professionnel et ce instantanément : leur réseau, leurs communautés, leurs contributions, leurs échanges, leurs recommandations … et parfois aussi à des informations plus personnelles si les salariés n’ont pas pris soin de séparer leur profil personnel et professionnel  …

Auparavant, les assistant(e)s de recherche des cabinets de « search » devaient éplucher des annuaires entiers de diplômés, repérer des noms dans la presse, travailler leur réseau professionnel … pour constituer et mettre à jour une base de données de profils. Pour les recrutements moins spécifiques, ils passaient par un fastidieux travail sur les CVthèques. Aujourd’hui, ce sont les individus, potentiellement candidats, qui fournissent et mettent à jour ces informations.

 

Sourcing de candidats : le social recrutement rimera-t-il avec une « chasse » généralisée ?

On en est encore loin aujourd’hui. Tout d’abord parce que les réseaux sociaux professionnels ne réunissent pas (encore ?) toutes les populations actives, ni tous les profils.

Pour l’instant, on y trouve plutôt des étudiants de l’enseignement supérieur, des cadres, des professionnels des technologies, de la communication et du marketing, globalement du tertiaire.

Mais aussi parce que parmi cette population, certains profils sont plus recherchés que d’autres par les entreprises. Et on peut penser que le coût d’un sourcing de candidats pour une entreprise qui recherche des compétences moins rares fera pencher la balance (pendant encore quelques années) pour l’utilisation d’un jobboard et d’une annonce. A moins que les nouveaux professionnels du sourcing de profils sur les média sociaux réalisent l’investissement et proposent aux entreprises des prestations efficientes à des prix compétitifs par rapport aux annonces, dont la gratuité se généralise. Je pressens que ça va donner des idées à ceux qui ne les ont par encore eues J …

Comment cela va-t-il évoluer au fur et à mesure que les digital natives intègreront la sphère professionnelle ? Recrutera-t-on aussi demain sur Vidéo ou LinkedIn pour un emploi dit moins qualifié ?

 

 

De nouveaux métiers vont-ils émerger ?

Tous les recruteurs d’aujourd’hui ne connaissent pas les média sociaux (blogs, réseaux sociaux,…), leurs usages et la foultitude d’outils proposés. Affaires de positionnement marketing ou réel usage des média sociaux pour le sourcing profils ou pour d’autres processus, de nouveaux cabinets de recrutement se positionnent en 2.0. Il ne suffira pas d’être sur Twitter ou LinkedIn pour proclamer en être un !

Le community manager, cher au marketing digital, va-t-il évoluer vers une fonction élargie en charge de repérer des professionnels correspondant aux profils recherchés par les entreprises.

A moins qu’il ne devienne le chef d’un orchestre de community managers spécialisés, ici en RH, là en marketing … La fonction sera-t-elle intégrée dans l’entreprise ou externalisée ? Tout ceci rattaché à qui ? A un responsable du marketing digital ?

Même si toutes les directions marketing sont loin d’avoir intégré ces compétences, les directions des ressources humaines semblent avoir pris un peu de retard dans la connaissance et la pratique générale des média sociaux. Si elles estiment qu’elles contribuent à renforcer leur performance, combien de temps leur faudra-t-il pour les intégrer dans leurs processus métiers dont le recrutement ?

 

Sourcing de candidats : à moins que les réseaux sociaux nous convertissent tous en assistant(e)s de recherche ?

Membre d’un réseau social ou animateur d’un blog mais aussi salarié(e) d’une entreprise donnée qui cherche à recruter, la capacité d’un salarié à contribuer à l’identification de candidats potentiels au sein de son réseau fera-t-il parti de ses missions, voire de l’évaluation individuelle de sa performance et de sa contribution ?

Depuis plus de 10 ans, les jobboards ont démocratisé sans contexte le recrutement en donnant la possibilité à tous d’être informés sur les opportunités d’emploi visibles et à se faire connaître en publiant son CV et en dotant les recruteurs d’outils de recherche puissant de profils, néanmoins limités aux CV. Mais ils ont aussi contribué à renforcer la distinction entre le recrutement de masse et le recrutement d’une élite (chasse de tête, réseau relationnel …)

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Sous un certain angle, les réseaux sociaux contribuent à leur tour à débrider le recrutement notamment au niveau de l’identification des profils (Nous reparlerons de la sélection dans un prochain article). Les réseaux sociaux aident le candidat et le recruteur à sortir du cadre du CV et de la lettre de motivation, ou encore de la base de données non exhaustive à mettre à jour en permanence. Ils contribuent aussi à engager une relation voire une conversation dans un cadre à priori moins formel et moins étroit que celui d’un recrutement.

Cependant le sourcing de profils via les réseaux sociaux ou encore les blogs demande un investissement conséquent pour le recruteur, entreprise ou intermédiaire, sur un marché où la pression sur les honoraires des intermédiaires est forte depuis l’arrivée du e-recrutement.

Seule la chasse de tête, qui en théorie a moins utilisé l’automatisation, est parvenu à justifier des honoraires de recrutement élevés auprès des entreprises. En dehors des profils de dirigeants qui resteront probablement en approche « très » directe et confidentielle, ils ont potentiellement les ressources pour intégrer de nouveaux processus de sourcing de candidats. Leur challenge réside dans l’acquisition rapide de la connaissance des réseaux sociaux, dans la construction de leur existence sociale et leur e-réputation.

Dans un modèle intermédiaire, les entreprises qui recrutent beaucoup sur des profils spécifiques et/ou à fort turnover ont mis en place des fonctions dédiées à l’approche directe, qu’elles peuvent aujourd’hui positionner sur les CVthèques, les campus et les réseaux sociaux … moyennant là aussi une vraie stratégie média sociaux et un apprentissage rapide.

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Les réseaux sociaux avaient au départ vocation à favoriser la mise en relation et la conversation d’individu à individu, l’intelligence collective aussi. Chacun étant membre à titre personnel, même s’il était (accessoirement ou pas) salarié d’une entreprise ou en recherche d’emploi.

Vu sous cet angle, l’arrivée des entreprises sur les réseaux sociaux en tant qu’interlocuteur direct ou pas et le développement des usages professionnels ne transforment-ils pas les réseaux sociaux en un grand storytelling, malgré les régulations qui s’opèrent et qui étaient jusque là la force du web ?

Un grand salon mondain où tout le monde se la raconte, certes avec plus ou moins de bonheur et de compétences. Un grand salon d’e-réputation où au final les informations recueillies seront tellement marketées que la qualification des profils en sera moins efficiente donc moins attractive ?

Peut-être alors que les blogs, outils plus exigeants pour ceux qui les animent, s’avéreront plus pertinents pour identifier des profils, mais dans une logique de fait plus sélective.

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