Les usages participatifs du Web questionnent avec une intensité croissante l’approche collaborative des entreprises notamment au travers des pratiques sociales des plus jeunes.

Effets de mode ou tendance lourde, comment concilier le désengagement des entreprises face à l’emploi ? L’individualisation des parcours professionnels avec les pratiques participatives, qui peuvent dans certains cas dépasser le cadre même de l’entreprise, voire du contrat de travail ?

Rejoignant, pour partie, les objectifs du Knowledge Management (Gestion des connaissances), très en vogue au début des années 2000, les directions d’entreprise s’interrogent. Comment proposer aux jeunes salariés (les autres aussi en ont besoin !) des démarches de coopération et de partage, dont on redécouvre les bienfaits en matière de créativité, de capitalisation des savoirs, de motivation, de lien social… ?

Si l’entreprise se pose la question du comment, le salarié se pose la question du pourquoi : Pourquoi serai-je un salarié 2.0 ?

Comment engager, motiver des salariés à formaliser pour l’entreprise ses connaissances et ses compétences, à représenter ou relayer l’entreprise dans ses actions de promotion ou de recrutement sur des réseaux sociaux alors que tous les salariés savent qu’ils ne sont que de passage dans l’entreprise, une boîte dont le couvercle reste désormais ouvert…

Comment pourrais-je promouvoir une image employeur ou un produit sur LinkedIn en 2010 pour Coca Cola et en 2012 pour Pernod Ricard, sachant que tout ce que j’aurai écrit sera retenu par les moteurs de recherche ? Sauf à être ou à jouer à Alexandre le bien heureux… « C’était bien, je suis toujours resté(e) en bon terme avec mon employeur et mes collègues ».

Que faire d’un blog individuel soutenu par mon entreprise et vaisseau de sa stratégie de visibilité sur le web, voire de veille, dont les contenus sont alimentés par mes missions quotidiennes formalisées par un contrat de travail, si demain je travaille pour une autre entreprise ?

Pas simple ! Voilà quelques idées en vrac pour tenter de répondre à ces questions et engager le débat du salarié 2.0.

 

Salarié 2.0 par contrat ?

Je me suis d’abord dit qu’il fallait que l’entreprise élabore une charte interne de communication et de coopération prévoyant comme d’habitude toutes les modalités cas, et les cas plus tordus… peut-être aussi intégrer dans les contrats de travail individuel des clauses spécifiques pour les fonctions les plus concernées.

Encore un exercice juridique pas simple, me direz-vous. Il est difficile d’y échapper dans une relation par nature contractuelle. La problématique peut rejoindre dans certains cas celles de la propriété intellectuelle ou des brevets élaborés par des salariés sous contrat de travail avec les moyens de l’entreprise.

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Salarié 2.0 par intérêt réciproque ?

Je me suis ensuite rappelée de la maxime de mon premier directeur chez Schneider qui me disait, « il n’y a pas de problème technique, il n’y a que des problèmes humaines »… J’ai donc creusé la thèse des intérêts « sociaux » réciproques, pas simple non plus…

Pourquoi en tant que salarié aurais-je envie de partager mes connaissances et mes expériences, les inscrire durablement dans un système d’information interne ou externe, prendre du temps à échanger sur des sujets professionnels avec d’autres personnes internes ou externes au-delà de mon périmètre d’équipe et d’action, recruter pour mon employeur dans mon réseau personnel direct ou élargi donc susciter l’engagement d’une autre personne dans une entreprise dont je connais les avantages et les inconvénients ? etc, etc.

Le paradis « Entreprise » doit aussi exister … et ces questions ne se posent pas si je suis pleinement heureux(se) et serein(e) dans mon entreprise (job intéressant, bien rémunéré, de bonnes conditions de travail, des perspectives d’évolution, un management motivant, etc.). En revanche, si j’ai quelques rancœurs, amertumes, déceptions accumulées … la démarche sera plus difficile.

Et si les salariés n’avaient plus le choix pour des raisons formelles ou informelles. Pour des raisons formelles, on rejoindrait le contenu du poste avec le contrat de travail ou les pratiques internes avec la charte…

Pour des raisons informelles ?

Les salariés auraient intégré le « Personal Branding » Effet de mode ou tendance lourde, c’est à la fois une tendance positive de réaffirmation de l’individu face au collectif donc de pouvoir rééquilibré (surtout dans l’entreprise, car dans notre société l’individualisme est déjà de mise depuis longtemps…) mais aussi une tendance exigeante voire risquée qui nécessite d’acquérir de nouveaux savoir-faire …

Les salariés auraient aussi intégré que dans une économie de la connaissance et mondialisée, les compétences et l’identité professionnelle se construisent sur un terrain de jeu élargi, dans l’échange, la coopération, le partage de connaissances et d’expériences, un apprentissage de personne à personne… mais aussi que les compétitions individuelles sont désormais dépassées …. Difficile à croire quand on évoque en parallèle l’individualisation des parcours professionnels ou la guerre des talents…

Sans en retenir les difficultés et les contradictions, on peut aussi conclure que le nouveau paradigme professionnel n’est certainement pas vrai pour tous les métiers … que la tendance du Personnal Branding peut renforcer la fracture numérique entre ceux qui savent faire un peu, beaucoup et les autres…

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Faut-il alors rechercher du côté des directions d’entreprise les dispositifs crédibles qui motiveront les salariés à jouer le jeu de l’entreprise participative ? Plus de lien social, plus de sens au travail, plus de valorisation, plus de reconnaissance, un package de départ plus volumineux… pour un engagement participatif individuel infaillible même si le contrat est à durée déterminée ?

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L’entreprise 2.0 est un concept motivant et qui a du sens, comme dans une moindre mesure le Knowledge management a pu l’être en son temps. Trop outillé, trop productiviste, il a probablement manqué au KM la dimension humaine et le contexte sociologique qui pousse, éléments dont bénéficient aujourd’hui le concept de l’entreprise 2.0.

Si les entreprises ne réforment pas en profondeur leur gestion des ressources humaines et leurs modes de management, si tant est qu’elles puissent le faire dans la bataille économique et financière qu’elles livrent par ailleurs, le concept de l’entreprise 2.0 se résumera peut-être à l’entreprise avec un saupoudrage de 2.0 … que la moindre tempête économique ou un nouveau concept balaieront …  D’autres ont déjà connu le même sort.

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Etes-vous un salarié 2.0 ou souhaitez-vous l’être ? Qu’est-ce qui vous motive ou vous motiverait à le devenir ?

N’hésitez pas à partager votre vécu ou vos réflexions en commentant cet article.