Le Code du travail ne donne pas de définition de la faute grave et se contente d’indiquer que le salarié en ayant commis une, ne peut prétendre ni à un préavis (article L 1234-1) ni à une indemnité compensatrice en tenant lieu (article L 1234-5).

Jusqu’à un arrêt du 27 septembre 2007 (Cass. soc. 27 septembre 2007, FP-P+B+R, pourvoi n° 06-43867, M. David Millochau), la jurisprudence française retenait comme définition de la faute grave, celle qui est d’une nature telle qu’elle ne permet pas le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis (par exemple : Cass. soc., 18-06-1991, n° 88-42008).

En ce sens, la jurisprudence française appliquait la définition résultant de l’article 11 de la Convention internationale OIT n° 158 du 22 juin 1982 sur le licenciement qui dispose : « Un travailleur qui va faire l’objet d’une mesure de licenciement aura droit à un préavis d’une durée raisonnable ou à une indemnité en tenant lieu, à moins qu’il ne se soit rendu coupable d’une faute grave, c’est-à-dire une faute de nature telle que l’on ne peut raisonnablement exiger de l’employeur qu’il continue à occuper ce travailleur pendant la période du préavis ».

Depuis l’arrêt précité du 27 septembre 2007, la référence au préavis a disparu de la définition, la Cour de cassation disposant « la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise« .

La disparition de la référence au préavis ne modifie guère la situation car, en définitive, la privation du préavis, consécutivement à une faute grave, n’est pas la conséquence de celle-ci. L’enchaînement des causes et des conséquences est exactement inverse : c’est parce que la présence du salarié serait préjudiciable à l’entreprise que la qualification de faute grave doit être justement retenue.

Cela ne signifie évidemment pas que, dès lors que l’employeur a privé le salarié du préavis, la qualification de faute grave doive être automatiquement retenue mais cela signifie que la ou les fautes ou le comportement du salarié doivent être appréciés dans leur « dangerosité » pour l’entreprise.

S’il est établi que ce ou ces fautes ou ce comportement sont de nature à nuire à l’entreprise et « que l’on ne peut raisonnablement exiger de l’employeur qu’il continue à occuper ce travailleur pendant la période du préavis » alors la privation du préavis sera justifiée et, partant, la qualification de « faute grave » devra être retenue (maintenue) quand bien même celle-ci ne reposerait pas sur des fautes proprement dites mais, par exemple, sur un comportement (hostilité, opposition…). Car il reste de jurisprudence constante que :

  • l’intention de nuire du salarié n’est pas exigée pour retenir la faute grave (Cass. soc., 7 mai 1986, n° 83-43479) ;
  • l’absence de malignité du salarié lors de la commission de la faute ne suffit pas à exclure le caractère de faute grave (Cass. soc., 24 octobre 1989, n° 86-4571) (et donc, à combien plus forte raison la « malignité », dans un comportement d’opposition systématique perturbant le fonctionnement de l’entreprise, doit-il recevoir la qualification de faute grave) ;
  • la qualification de faute grave ne suppose pas nécessairement l’existence d’un préjudice pour l’employeur (Cass. soc., 8 novembre 1990, n° 88-44107).